Souad Babaamer

Greffée du rein

Ma mère

Je voudrais vous parler d’une personne qui m’est très chère.

C’est ma mère, un personnage étonnant et vivant à la fois. Avec ses soixante-dix-sept ans, elle s’implique dans beaucoup de choses, comme dans l’artisanat et le tourisme. Elle aime les couleurs, et observer les façons de faire différents artisanats à travers le monde. Car l’artisanat rassemble les cultures pour mettre en valeur leurs merveilles, leurs formes, la structure de ces choses que l’on apprécie pour toujours. Ma mère a toujours des idées géniales, mais en vain : elle ne peut pas toujours les réaliser. Enfin, elle me donne du courage et de l’espoir pour être à la hauteur de mes ambitions. 

Étant en vacances pendant la période de ma greffe, qui a eu lieu le 21 juin 2017, elle m’a aidée à surmonter ma peur et m’a accompagnée dans tout le processus de l’opération.

Elle venait me rendre visite à l’hôpital tous les matins. Je sentais son bon parfum qui chatouillait mes narines lorsqu’elle s’approchait de ma chambre. Elle m’apportait un café chaud. Comme je me souviens de ce café que ma mère préparait dans mon enfance ! Elle connait l’art et la manière de moudre le café et de le remuer pour qu’il ait un goût unique et spécial. On le déguste et le partage avec joie et bonheur.

Un jour, en me visitant à l’hôpital, un bouton de son beau chemisier blanc avait disparu. Je me souvins du jour où nous l’avions acheté chez Simons… Je revis les couleurs de ce magasin, la chaleur qui m’entourait, les beaux vêtements qui m’interpellaient. Je pouvais toucher à nouveau à cette sensation de bonheur et de joie. La conseillère aux ventes, qui avait un sourire aimable et accueillant, nous avait guidées pour trouver le beau chemisier blanc…

Ma mère est toujours présente pour ses quatre enfants. Je suis l’aînée et la plus fragile, elle est donc plus sensible à mes besoins. Elle me contacte tous les jours, pour entendre ma voix lui annoncer que ma santé va bien. Cela lui réchauffe le cœur, je le sais… On se souvient alors toutes les deux des bons moments que nous avons passés en voyage ensemble et avec notre famille, ou encore de nos week-ends en Algérie. Comme la vie était simple et agréable. Elle est mon inspiration et ma joie de vivre. Elle me conseille souvent, malgré mon âge, et me dit « tu es toujours ma petite fille ». Comme c’est beau d’avoir une mère comme cela, qui est avec nous, et dans nos pensées.

Oui, comme c’est beau de retrouver toutes ces choses que nous aimons et apprécions, surtout après la greffe. Car on vit alors une deuxième fois et on est une nouvelle personne, qui essaie de tout apprendre de la vie qu’on nous a donnée, cette vie que nous devons garder, précieusement, pour toujours.

Boire tout son saoul

Avant la greffe, je faisais souvent le même rêve.

On me transplantait un rein fait d’une matière unique, une matière qui allait pouvoir sauver tous les patients du monde. Les médicaments antirejet devenaient chose du passé : ils avaient été remplacés par une puce introduite dans mon corps.

Finies les restrictions alimentaires : je pouvais manger tout ce que je voulais.

J’étais guérie pour toujours. Je ne craignais pas de perdre mon rein, car on m’avait garanti qu’il allait être stable à vie. Surtout, finie la soif : je pouvais boire toute l’eau que je voulais, cette eau qui m’avait tant manqué pendant mes années de dialyse.

Le 21 juin 2017, le moment de vérité est enfin arrivé. J’attends cette greffe depuis trois ans. Après une belle journée passée à écouter de la musique avec ma mère à la Place des Arts, je reçois le soir même un appel m’informant qu’un rein compatible est prêt pour moi. 

Je suis tellement surprise que j’ai du mal à y croire. On doit me recontacter dix minutes plus tard. Mon rêve se réalise enfin. Finies les séances de dialyse ! Je pourrai boire toute l’eau dont j’ai envie ; l’eau coulera dans mon corps comme un ruisseau.