Bernard Cyr

Greffé des poumons

La renaissance

Cette création sonore plonge l’auditeur·rice dans l’expérience acoustique d’un patient en salle de soins intensifs, des premiers moments de sa transplantation pulmonaire jusqu’à sa sortie de la salle d’opération.

C’est sur l’ambiance dans laquelle le patient baigne lorsqu’il est sous anesthésie générale que s’ouvre l’extrait. Il s’agit alors de se laisser imprégner de l’impression que le cerveau est temporairement déconnecté des souffrances que ressent le reste du corps. Les auditeurs perçoivent ensuite l’environnement du patient, duquel il reprend progressivement conscience. On entend :

  • L’utilisation d’un respirateur. Le patient n’est pas encore autonome.
  • L’environnement d’une salle de soins intensifs, le son des moniteurs.
  • Les bruits des patient·e·s à proximité, des bruits de toux.
  • Les battements du cœur du patient.
  • Les changements de tour de garde.

Le clip sonore progresse et l’auditeur peut deviner la présence du personnel spécialisé qui vient s’assurer que le patient est pleinement éveillé. Une infirmière l’informe que c’est le moment de retirer le respirateur automatique. Ce moment est critique. Le patient doit, à cet instant, respirer par lui-même. Il respire enfin par lui-même.

Pendant que le patient s’exalte de sa respiration autonome, l’extrait sonore déplace l’auditeur des soins intensifs à l’étage des soins des greffé·e·s. Le patient doit quotidiennement pratiquer ses exercices respiratoires à l’aide d’un spiromètre pour favoriser l’expansion des poumons dont la taille a été diminuée pour qu’ils puissent entrer dans la cage thoracique. Le bruit d’une boule blanche, qui monte et qui descend une colonne d’air, permet à l’auditeur de prendre connaissance de ce travail. Le patient continu sa réhabilitation en passant de nombreuses radiographies pulmonaires pour aider l’équipe de chirurgie à déterminer si son poumon a retrouvé sa pleine expansion.

Enfin, le patient reçoit son congé : une belle ambiance de fierté marque cet événement, autant pour le personnel que pour le patient qui quitte l’hôpital. Tous savent qu’il appréciera au plus haut point sa nouvelle vie.

Oeuvre sonore réalisée dans le cadre des ateliers de création donnés par Ana Tapia Rousiouk.

Un concert inoubliable

Un disque joue un air triste et lent
L’espoir est toujours présent
S’il le pouvait, il participerait au concert
Les années passent, toujours sans invitation

Il lit dans le journal qu’un individu est trépassé
Son décès pourrait-il sauver des vies ?
Un messager arrive et lui remet une enveloppe
À monsieur Paul, d’un maestro
Une place pour assister à sa première

Enfin, il se déplace à la salle de concert
Il monte sur la scène et regarde le public
Il s’assied parmi le groupe des musiciens
Un moment d’euphorie qu’il a si souvent imaginé
Paul prend son saxophone et joue quelques notes pour l’accorder

La troupe de musiciens débute avec intensité
Paul entame la pièce avec les autres musiciens
Il éprouve de plus en plus de difficultés à suivre le rythme
La durée de la pièce suscite de l’angoisse auprès des autres musiciens
Le maestro diminue le tempo et termine la première partie
La troupe épuisée se retire à l’entracte
Paul, exténué, reste sur scène

Au retour des musiciens, le maestro se réjouit de la foule massée devant la scène
Puis il prend une mine sérieuse pour s’adresser à l’assistance
Il annonce qu’il devra s’ajuster à sa condition
En ajoutant une partition diminuant son essoufflement

Cette nouvelle pièce s’inspirera du calme mélodique des nocturnes
Qui apaise les violents tressauts des tambours
Pour éviter de sombrer dans une marche funèbre
Paul plonge dans un sommeil profond

Le saxophone tombe, mais reste suspendu à son cou
Des soupirs et des pauses embuent les notes de sa partition
Le reste de la troupe commence une mélodie de blues
Les longues minutes d’inaction de Paul inquiètent ses fans
Puis suivant l’éveil graduel de sa conscience
L’orchestre revient à tâtons au programme principal

Les notes de sa partition s’éclaircissent
Le maestro lui fait signe qu’il peut reprendre la prestation
Paul empoigne son instrument
Entame l’hymne à la joie de la survivance

La musique du band touche les spectateurs
Les dernières notes sont bouleversantes à en perdre son souffle
La foule est émue, quelques fois en pleurs
La foule applaudit et louange tous les musiciens

Je respire, enfin, à pleins poumons